Les pionniers de la batellerie touristique des Gorges du Tarn.
Grâce à André Arnal, habitant du Rozier, offrons nous un petit retour sur le début de la batellerie touristique dans les Gorges du Tarn.
"Nous sommes dans les années 1890, de Sainte Enimie au Rozier, en bateau , fonctionnent deux services que se partagent 2 compagnies et qui nécessitent 4 transbordements 1° à Pougnadoires , 2° à Hauterive , 3° à La Malène , 4° aux Vignes.
1er Service :
- de sainte Enimie à La Malène .....................14 fr
- de La Malène aux Vignes ..........................13 fr
- des Vignes au Rozier ...............................15 fr
2è Service :
-dont les prix ne varient que de....................0 fr 50
Dans le 1er service on change trois fois de bateliers ;
Dans le second c'est quatre fois .
On verse les 42 francs à la gare de départ .
Si on est arrivé par chemin de fer il faut déposer la carte entre les mains de l'un des chefs de service (voyages organisés depuis Paris par exemple ).
L'usage est établi d'un pourboire de 1 fr 50 à chaque batelier pour le port des bagages qui doivent être peu lourds et peu encombrants ; 10 kil . par personne
Si dans le même bateau vous êtes plus de 5 voyageurs , des Vignes au Rozier les bateliers ne répondront pas des accidents
Vous prévenez d'abord 24 heures à l'avance en indiquant le jour d'arrivée , le lieu et l'heure d'embarquement
Départ Sainte Enimie ..................................9 h
Déjeuner à La Malène ................................12 h
Arrivée aux Vignes .....................................4 h
Diner au Rozier ........................................19 h
Trop heureux de faire mentir le dicton populaire :
Qué passo lou Lot , lou Tarn et l'Aveiroun ,
N' ès pas ségur dé touna dins sa maisoun .
On peut voir sur la carte des Causses et des Cévennes dressée en 1889 par A E . MARTEL en annexe de son livre CEVENNES que les routes accessibles " aux voitures suspendues " sont peu nombreuses et que celle des Gorges du Tarn n'existe pas encore , la route de Florac s'arrête à Sainte Enimie , aucune route carrossable n'a encore trouvé place le long de la rivière , le premier coup de pioche de la route actuelle a été donné aux alentours de 1889, et sur 35 kilomètres de Sainte Enimie au Rozier le seul moyen de locomotion est la barque à fond plat (toues) dont le confort très rudimentaire à l'origine sera amélioré peu à peu notamment en matière de sièges et d'un double-fond à clair-voie pour éviter que le voyageur n'ait les pieds dans l'eau qui ne manquera pas de s'introduire dans la barque au cours du voyage . Les barques du Tarn assurent seules les transports agricoles . Mais leur nombre diminue , car , pour remonter les malheureux propriétaires doivent tirer " à la bricole " le chargement de leur récolte . Aussi dès qu'une vigne ou une châtaigneraie est accessible par un sentier , l'on substitue l'âne ou le mulet à la barque .
La navigation se fait à la gaffe , munie d'une sorte de douille de fer , et à la perche ; nulle part on ne se sert de rame . Souvent, à la montée, l'un des bateliers est obligé de se mettre à l'eau et de haler le bateau soit à la ligne soit à la chaine , tandis qu'un autre dirige avec la gaffe . Cela n'arrive d'ailleurs que lorsqu'il faut franchir les " ratchs " ou " rayols " ; les " planiols " sont généralement trop profonds pour que les hommes puissent marcher dans la rivière . Les rapides correspondent généralement à des affleurements de roches plus résistantes que le travail mécanique de l'érosion n'a pas encore entamées , le cours d'eau est alors obligé de les contourner par des déversoirs ( LAPPARENT : Traité de géologie ) dès lors il y a constamment alternative entre la condition de torrent et celle de rivière .Beaucoup de ratchs ressemblent plus à des cascades qu'à des rapides ; certains peuvent avoir de 1 à 2 mètres de chute sur une dizaine de mètres de longueur , d'autres sont coudés à angle droit et font ressac au pied de falaises à pic , ce qui nécessite de la part des bateliers à la fois une parfaite connaissance de la rivière et beaucoup d'adresse Le cours de la rivière comporte des barrages naturels ou artificiels (exemple du pas de soucy absolument infranchissable avec des barques , même les malles ne peuvent être lâchées au fil de l'eau pour être récupérées en aval ) il est donc indispensable d'en effectuer le transbordement au moyen d'une charrette à cheval lorsqu'elle est disponible ou à dos d'homme jusqu'aux Vignes, soit sur deux kilomètres . Pour cette raison , une malle ne doit jamais peser plus de 40 kilogrammes
Des Vignes au Rozier surtout, la navigation est difficile
En 1880, raconte M. de Malafosse , huit anglais et deux anglaises descendaient le Tarn dans deux barques . Arrivés au rapide du Mas-de-la-Font la première barque plongea dans le ressac mais parvint à passer . La seconde prit mal le courant et , malgré un coup de gaffe (trop tardif) à l'avant , butta sur le roc , s'ouvrit et coula à pic , heureusement les passagers aidés par le bateliers en furent quitte pour la peur et ...un bon bain .
Avant l'ouverture de la route existaient des chemins qui suivaient le cours de la rivière mais le dénivelé les rendait impraticable au charroi .
La rivière a donc été très longtemps le seul passage possible au fond de la gorge et les déplacements sur de longues distances se faisaient le plus souvent à la couronne des Causses
Plus anciennement encore les principales voies de communication , les drailles , sillonnaient les Causses reliant les pôles d'échange qu'étaient les garrigues du Languedoc et l'Aubrac avec des lieux de passage obligé qui empruntaient les cheminements naturels par exemple aux Vignes ou à La Malène ou encore à Sainte Enimie."
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